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J'ai fait un jeu solo. Il fait partie d'une série dont je te recauserai un de ces 4.

Il est là-dessous, gratuitement (le fichier c'est juste que j'ai pas le choix). Mais il est un peu moche. Alors si je gagne 50 balles avec, je lui donne une jolie maquette !


Au cœur de ma myriade de cristaux, je fouille parfois les souvenirs d’UNE MASSE DE CHAIR QUI POURRIT LENTEMENT, l’un des membres des DERNIERS IMMORTELS. Le plus simple est peut-être de l’expliquer sous forme de jeu, qui procéderait ainsi :

(un jdr solo écrit par côme martin en novembre 2024. il fait partie de la série des DERNIERS IMMORTELS.)

Pour me préparer à incarner cette masse de chair qui, malgré la pourriture qui la ronge, cherche un sens à son existence, je commence par m’assurer d’avoir les ustensiles nécessaires à portée de main : de quoi écrire ou consigner ma voix ainsi que le paquet de 52 cartes le plus vieux et abîmé que je possède.

Je commence par me demander quels souvenirs cette masse plus vieille que certaines étoiles possède et en note une poignée, sans les détailler : par exemple « sur le trône de l’Empire rouge », « un amour véritable », « parmi les premiers hommes », « au cœur de la révolte populaire », « remplaçant la princesse tyrannique », « la perte de ma descendance », « le jour où tout a brûlé », « la rencontre avec une autre immortelle », « piégé par la crue du fleuve », « caché dans un engin volant », « la recherche vaine d’une façon d’en finir », « épargné par l’épidémie », « exhibé avec le reste du cirque itinérant », et j’en passe.

Je réfléchis ensuite au recoin le plus sombre de quelque cité anonyme dans laquelle la masse repose au moment où mon histoire la réveille. Tout endroit, toute époque convient tant que la présence humaine grouille : dans l’arrière-boutique abandonnée d’un bazar nord-africain, dans les égouts d’une mégalopole européenne, au fond du ventre d’un réseau de tunnels où l’humanité s’est réfugiée après sa chute, dans la soute d’un vaisseau voguant les mers ou l’espace…

Je prépare enfin le paquet de cartes, laissant de la place pour trois emplacements. Le premier sera la pile du temps : j’en retire toutes les cartes de pique et je les pose à côté, face visible et dans l’ordre (de l’as au roi) pour former la pile de pourriture. La pile de chair, correspondant au troisième emplacement, demeure pour le moment vide. Je prends une ou plusieurs cartes, selon mon pessimisme, au sommet de la pile de pourriture, et les mélange à la pile du temps.
Je me prépare à ressentir des émotions fortes, souvent tristes et sombres. Je suis à présent prête à commencer à jouer.

Parfois, la masse de chair qui pourrit lentement revêt sa figure la plus humaine possible et explore l’extérieur : pour renouveler ses entrailles, pour ressentir un peu de chaleur, pour chercher en vain une grandeur passée. Ce faisant, je révèle la première carte de la pile du temps.

Si c’est un cœur, c’est un rappel des temps passés, qu’il s’agisse du mois dernier ou de plusieurs millénaires auparavant. Je choisis l’un des souvenirs précédemment noté ou en invente un nouveau, puis examine ma pile de chair :
- s’il y figure au moins une carte de trèfle, ce souvenir éveille en la masse une étincelle d’humanité. Je chronique la façon dont ce souvenir réchauffe quelque chose au cœur de la masse, puis retire du jeu une carte de pique présente dans la pile du temps, ainsi que la carte de cœur révélée. S’il n’y a pas de pique dans la pile du temps, je retire du jeu la carte visible au sommet de la pile de pourriture. - s’il n’y figure pas de carte de trèfle, ce souvenir est difficile à revivre. Je chronique la façon dont il rabougrit un peu plus le cœur déjà rachitique de la masse de chair, puis retire la carte de cœur révélée du jeu (la déchirer serait mieux encore). J’ajoute ensuite la prochaine carte de la pile de pourriture dans la pile du temps, puis mélange cette dernière.

Si c’est un carreau, c’est une victime dont la masse peut se nourrir. S’agit-il d’un passant anonyme, massacré puis assimilé à la masse de chair sans plus d’états d’âme, ou de quelqu’un de particulier ? Comment la masse choisit-elle ses victimes ? Ne garde-t-elle que leur viande écrabouillée, ou un éclat de leur personnalité en sus ? Je chronique la façon dont la masse chasse et tue en tentant de répondre à ces questions, puis ajoute la carte à la pile de chair.

Si c’est un trèfle, c’est le bourgeonnement d’un ensoleillement possible : une rencontre inattendue et réconfortante, une nuit en bonne compagnie, une trouvaille fascinante, une étrangeté enthousiasmante du monde humain… Pour savoir si la masse peut apprendre ou se réconforter de cet événement, je consulte ma pile de chair :
- s’il y figure au moins un carreau, je peux échanger le trèfle avec le carreau, qui est défaussé (l’ingérer serait mieux encore). Je chronique la façon dont la masse se nourrit de cet événement qui pourrait finir par la changer en profondeur.
- s’il n’y figure pas de carreau, je remets le trèfle dans la pile du temps, que je mélange. Je chronique la façon dont cette opportunité est manquée, ou comment ce ne sont pas les bonnes leçons qui en sont tirées.

Si c’est un pique, c’est la pourriture intérieure qui se manifeste. Je peux repousser, ou même rejeter, cette pourriture des façons suivantes :
- en combinant une carte de cœur que je viens de révéler à une carte de trèfle présente dans la pile de chair, comme il est expliqué plus haut
- en défaussant une ou plusieurs cartes de la pile de chair au moment où la carte de pique est révélée ; dans ce cas, il est nécessaire que la valeur combinée des cartes retirées soit supérieure à la valeur de la carte de pique.
Dans les deux cas, je retire la carte de pique du jeu (la brûler serait largement préférable). Je chronique alors comment la masse résiste à la pourriture qui la ronge.
Si je révèle un pique que je ne peux écarter, je retire du jeu tous les trèfles se trouvant dans la pile de chair, puis remets la carte de pique dans la pile du temps, que je mélange. Je chronique la façon dont la pourriture s’ancre un peu plus au sein de la masse, tuant dans l’œuf toute promesse d’évolution.
Si je révèle une figure de pique (valet, dame, roi) que je ne peux écarter, la pourriture prend finalement le dessus et j’ai perdu le jeu.


Je chronique ainsi le temps qui passe : à chaque fois que je révèle une nouvelle carte, je choisis si plusieurs jours, plusieurs mois, plusieurs années ou même plus se sont écoulées depuis la dernière fois. Je réfléchis à la façon dont ce temps qui passe écrase peu à peu la masse de chair qui pourrit lentement et la détache tout à fait du monde.
Il faut d’ailleurs que je veille à ne pas l’abandonner : si je délaisse ce jeu pendant trop longtemps, la prochaine fois que je le reprendrai, je commencerai par ajouter au moins la première carte de la pile de pourriture dans la pile du temps.


Je peux augmenter la puissance de la masse de chair et la capacité de ses appendices à appréhender les futurs possibles. Si je souhaite augmenter le nombre de cartes que je révèle à la fois depuis le sommet de la pile du temps, je peux à tout moment retirer du jeu des cartes de la pile de chair, d’une valeur combinée supérieure à celle que j’ai atteinte la dernière fois que j’ai fait ce choix ; je peux aussi ajouter les 3 prochaines cartes de la pile de pourriture dans la pile du temps.
Dans les deux cas, cela me permet désormais de révéler une carte supplémentaire de la pile du temps. Je peux alors en sélectionner une ou plusieurs et remettre les autres dans la pioche : elles finiront par advenir, comme toutes les mauvaises choses que l’on ne parvient jamais à retenir tout à fait.

J’ai perdu la partie si :
- Je révèle une carte de pique et ne parviens pas à l’écarter
- Seules des cartes de trèfles demeurent dans ma pile du temps et il reste encore au moins une carte dans la pile de pourriture
Lorsque cela advient, je chronique comment, juste avant que la pourriture ne l’envahisse tout à fait, la masse rampe vers quelque repaire innommable à l’intérieur duquel elle ne parvient pas tout à fait à mourir. Elle reviendra, un jour, si le monde s’avère un peu plus accueillant (je me permets, du haut de ma tour, d’en ricaner !).

J’ai gagné la partie si toutes les cartes de pique ont été écartées du jeu. Sans trop que je comprenne comment, la masse de chair qui pourrit lentement a trouvé suffisamment d’énergie dans les replis de ses boyaux pour se changer en quelque chose d’autre. Peut-être pourra-t-elle rejoindre le cercle des Derniers Immortels et faire quelque chose d’important de son existence, sauf si un mage cruel l’emprisonne dans un cristal avant qu’elle ne soit parvenue jusque là…


Pour résumer (griffonné dans les marges du grimoire de la magicienne)
- Pile de pourriture = cartes de pique
- Pile du temps -> révéler la première carte
--- pour en révéler + d’une à la fois -> +3 piques dans la pile du temps ou retirer du jeu des cartes de la pile de chair (chaque fois d’une valeur totale supérieure à la précédente)
-- cœur = souvenir. Combiné avec un trèfle -> retirer un pique de la pile du temps (ou le 1er de la pile de pourriture) + le cœur et le trèfle. Sans trèfle : retirer le cœur du jeu + ajouter un pique dans la pile du temps.
-- carreau = victime. Ajouter à la pile de chair.
-- trèfle = chose positive. Échanger contre un carreau dans la pile de chair, ou remettre dans la pile du temps.
-- pique = pourriture. Peut être rejetée avec une combinaison cœur + trèfle ou en défaussant des cartes de la pile de chair (valeur totale > pique).
--- Si rejeter le pique est impossible -> retirer tous les trèfles de la pile de chair + remettre le pique dans la pile du temps.
--- Si rejeter une figure de pique est impossible -> défaite
- S’il ne reste que du trèfle dans la pile du temps + ≥ 1 pique dans la pile de pourriture -> défaite
- Si tous les piques sont écartés du jeu -> victoire

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